High Score, quand Netflix réécrit l'histoire du jeu vidéo

High Score est une série documentaire consacrée au jeu vidéo et produite par Netflix. En 6 épisodes de 45 minutes, la plate-forme de streaming nous propose un voyage dans le temps, depuis les origines du jeu vidéo (Pong, Space Invaders...) dans les 70's jusqu’à l’avènement de la 3D dans les années 90. 


Netflix High Score


6 épisodes, c'est peu pour couvrir une vingtaine d'années de l'histoire du jeu vidéo. Les thèmes abordés sont dans l’ensemble assez classiques, voire clichés : La violence dans les jeux vidéos… franchement, on aurait pu zapper. Idem pour la rivalité Nintendo/Sega, déjà abordée des millions de fois. À la limite, si le traitement apportait du neuf, du croustillant, j’aurais pas craché sur un éclairage nouveau. Hélas, la série de Netflix reste très superficielle, quand elle ne se perd pas complètement dans le hors sujet. 


Un truc m’a beaucoup énervé, c’est cette fixation que semble faire le docu sur l’E-sport et la compétition. Dans chacun des deux épisodes consacrés respectivement à Nintendo et Sega, on passe bien 20 minutes à se farcir les exploits de “pro-gamers” qui ont participé à des tournois promotionnels dans les années 90. À part raviver des souvenirs que j’imagine heureux chez les intéressés, ça ne nous apprend rien. RIEN! J’aurais préféré des anecdotes sur la conception des jeux, des consoles... 


Heureusement, tout n’est pas à jeter. Le premier épisode consacré aux pionniers des 70’s est très intéressant. Certaines anecdotes sont connues (Pac Man imaginé à partir d’une Pizza…), d’autres inédites, comme l’histoire des moddeurs de bornes d’arcade. J’ai bien aimé l’intervention de Tomohiro Nishikado, qui revient en détail sur la conception de Space Invaders. Le ton est bienveillant, peut être trop (je vais y revenir). En tout cas ça nous change des médias grand public qui font passer le jeu vidéo pour un truc d'inadaptés sociaux.


Netflix Atari ET


De même, la série s’en sort plutôt bien quand elle s’intéresse aux débuts du jeu de rôle informatique et aux premiers FPS. Richard Garriott (Ultima) et John Romero (Doom) sont de grands enfants, toujours heureux de balancer des anecdotes sur leurs créations respectives, et on passe de bons moments en leur compagnie.


La vérité est ailleurs?

Le principal problème de High Score, c’est qu’il ne se pose qu’en hommage lisse et consensuel. J'avais beaucoup apprécié le ton caustique des excellentes séries documentaires "The Toys That Made Us"/"The Movies That Made Us", et je pensais retrouver le même esprit ici. Râté! Tout est lisse, propre, et sans remise en question. Le travail de journalisme se borne à dresser des portraits flatteurs et inoffensifs. Quand Nolan Bushnell d’Atari en fait des caisses en s’attribuant la paternité du jeu vidéo, rien ni personne ne vient remettre en cause ses fausses déclarations. Le jeu vidéo est un média encore jeune, mais la chronologie des événements semble déjà se brouiller dans la tête de pas mal d’intervenants. Et on se tape quand même BEAUCOUP de légendes urbaines et autres ragots contestables (la pseudo pénurie de pièces de 100 Yen à cause de Space Invaders), ce qui donne à la série un arrière goût de gloubiboulga info/intox où l'on ne sait plus distinguer le vrai du faux.


Pour finir sur ma liste de reproches qui, je m'en rends compte, s'allonge dangereusement : Pourquoi ne donner la parole qu'à une personne par jeu? Le rôle de John Carmack dans Doom est à peine mentionné, alors que son compère Romero se lance des fleurs à n'en plus finir. Plus gênant encore, l'illustrateur Yoshitaka Amano nous est présenté comme le principal responsable du succès de Final Fantasy. Un mec qui, je le rappelle, n'a pas tapé une ligne de code... Ce choix, peut être guidé par des contraintes de temps, ou de budget, donne une vision complètement faussée de pas mal de jeux. 


Après, je ne vais pas vous mentir : J'ai quand même passé un bon moment devant High Score. Netflix joue sur la corde ô combien sensible de la nostalgie, et ça marche tellement bien que toutes les bourdes, erreurs et incohérences ne gâchent pas le plaisir. L’enrobage pop et les innombrables scènes animées en pixel art dynamisent le show, et on ne s'ennuie jamais. Reste que si vous cherchez une quelconque vérité historique, mieux vaut investir dans un bon bouquin.

Aucun commentaire